Immobilier : Comment les propriétaires contournent les règles des locations touristiques
Locations touristiques : classements, faux statuts, baux détournés… Malgré la loi, des propriétaires contournent les règles. Les grandes villes dénoncent des pratiques difficiles à endiguer.

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A peine mises en oeuvre par les villes, les nouvelles règles de location de meublés touristiques de type Airbnb ou Abritel, dont le nombre a explosé ces dernières années en France, se heurtent déjà aux « stratégies d’évitement » des propriétaires.
Les élus locaux dénoncent des effets d’annonce sans effet concret
En novembre dernier a été adoptée une loi pour rendre la location de meublés touristiques moins avantageuse fiscalement et donner aux maires des outils pour limiter leur développement, qui accentue la crise du logement dans certaines zones déjà tendues.
« La problématique des lois comme celle-ci c’est qu’à peine mise en œuvre, certains acteurs ont déjà des stratégie d’évitement« , déplore Iñaki Echaniz, député PS des Pyrénées-Atlantiques et co-auteur de la loi.
Il s’exprimait lors d’une journée de conférences organisée mardi par France urbaine, association des grandes villes, où des élus de Paris, Marseille ou encore Annecy ont pesté contre des pratiques de contournement, qui « coûtent beaucoup de temps et d’énergie« , selon une élue parisienne.
Classements touristiques, fausses résidences principales… Les astuces pour échapper aux règles
À l’Eurométropole de Strasbourg, Sandra Nort Potin « voit de plus en plus de personnes qui font classer leur bien« , c’est-à-dire qui contactent un organisme certifié pour obtenir une à cinq étoiles, comme les hôtels ou campings.
La procédure est simple, encouragée par certaines plateformes comme Airbnb et permet un abattement fiscal plus important et une moindre taxe de séjour.
Patrick Amico, adjoint au maire de Marseille chargé du logement, s’inquiète lui « des fausses résidences principales« .
Désormais dans de nombreuses villes, si un propriétaire veut louer sa résidence secondaire sur des plateformes de location touristique, comme Airbnb ou Abritel, il doit demander à la mairie une autorisation de changement d’usage du bien immobilier vers une activité commerciale.
Certaines communes sont réticentes à accorder de telles autorisations, à l’instar de Paris qui réclame une compensation avec la création d’un logement, afin d’éviter de perdre des habitations dédiées aux habitants.
Certains propriétaires déclarent donc des fausses résidences principales, ou trouvent un autre statut exempté de réglementation: à Marseille, les « demandes de création de coliving explosent« , selon l’élu de gauche Patrick Amico, qui constate que ces colocations avec services haut de gamme gérées par des entreprises se transforment parfois en résidence meublée touristique.
Plafond de nuitées, bail mobilité… Des failles bien exploitées
Le plafonnement à 90 nuitées par an pour la location d’une résidence principale via une plateforme, dans les communes qui le souhaitent fait aussi aussi l’objet d’un contournement. Pour échapper à cette règle prévue par la loi, certains propriétaires n’hésitent pas à publier plusieurs annonces pour le même logement, à déclarer la location d’une chambre chez l’habitant, ou à louer de gré à gré en dehors des plateformes…
Autre méthode : la location sous bail mobilité – destiné aux étudiants ou aux salariés en mission – pendant huit mois, avant de basculer en location touristique pour les quatre mois restants. Une stratégie que Patrick Amico voit proliférer à Marseille : « Dans le centre-ville, on ne trouve que ça. »
« Dans le centre-ville de Marseille surtout, on ne trouve que ça« , selon lui. Cécile Helle, maire PS d’Avignon, fait le même constat dans sa ville, où la location pendant le festival de théâtre est très lucrative.
Toutes ces combines peuvent faire l’objet de lourdes amendes.
Vers un encadrement plus strict avec l’aide de l’Europe
La nouvelle loi a néanmoins permis de contrer certaines pratiques d’évitement, selon Barbara Gomes, conseillère déléguée à la mairie de Paris, chargée notamment des plateformes locatives.
Les propriétaires ne peuvent plus se cacher derrière des sociétés civiles immobilières (SCI) ou des conciergeries, désormais soumises à la même réglementation que les personnes physiques.
Barbara Gomes et ses homologues d’autres villes attendent maintenant la plateforme numérique de partage des données liées à la location courte durée, prévue pour mai 2026 par un règlement européen.
Dans une déclaration transmise à l’AFP, Airbnb affirme « soutenir le règlement européen » qui « permettra aux autorités locales de disposer des données nécessaires à la mise en œuvre de mesures locales proportionnées, tout en préservant les opportunités économiques offertes par cette activité« . La plateforme indique communiquer « déjà un large éventail de données aux communes« .
Pour Barbara Gomes, avoir des données plus fines sur les propriétaires, le nombre de nuitées, le type de résidence, les biens rattachés à un seul propriétaire « va nous permettre de pouvoir agir concrètement et d’améliorer notre travail de contrôle« .