Le diagnostic énergétique des logements, éternel imparfait
L’annonce de la correction du diagnostic de performance énergétique (DPE) par le gouvernement ne fait pas l’unanimité.

© Miguel Medina-AFP
Christophe Bechu, Ministre de la transition écologique et des territoires
Accusé de pénaliser les « petites » surfaces, le diagnostic de performance énergétique (DPE), qui détermine si un logement est une passoire thermique ou non, va être corrigé par le gouvernement. Un choix qui ne fait pas l’unanimité.
« Simplifier » les DPE pour les logements de moins de 30 m2, voire 50 m2, occupés par les étudiants ou les ménages les plus défavorisés: tel est le mot d’ordre du gouvernement à l’approche de la date fatidique du 1er janvier 2025, qui prévoit l’interdiction de la mise en location des logements étiquetés « G », la plus mauvaise note du DPE.
En pleine crise du logement, cette disposition de la loi Climat de 2021 risque, selon l’Association des maires de France, « de réduire brutalement l’offre locative« , même si la loi ne s’applique qu’aux nouveaux baux.
Instauré en 2006, le DPE classe les logements de A à G en fonction de leur consommation d’énergie et, depuis 2021, de leur impact sur le climat.
Le nouveau DPE, considéré unanimement comme « plus fiable » car ne se basant plus sur les factures d’énergie, mais sur les caractéristiques du bâtiment, est néanmoins toujours contesté.
Mi-février, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu annoncera sa « simplification » pour « conserver l’ambition du calendrier initial » tout en « fiabilisant le dispositif pour les petites surfaces » et en actant « des mesures de flexibilité » en prévision de l’échéance du 1er janvier 2025.
Selon l’Observatoire national de la rénovation énergétique, près de 34% des logements de moins de 30 m2 ont une étiquette F ou G, contre 13% des habitations de plus de 100 m2.
A Paris, où 66% du parc locatif privé est classé E, F ou G, l’adjoint au Logement Jacques Baudrier a écrit au Premier ministre pour proposer le report, sous conditions, d’un calendrier jugé inatteignable.
« Le calendrier est trop court pour que toutes les copropriétés engagées dans le processus de rénovation aient réalisé leurs travaux avant le 1er janvier 2025« , écrit l’élu communiste, redoutant que ces logements « ne soient plus en capacité d’être reloués« . Soit 60.000 logements à Paris et 170.000 en Ile-de-France.
DPE light
« L’État a fait voter une loi sans donner assez de moyens financiers pour l’appliquer« , déclare-t-il à l’AFP.
Une position que ne partage pas l’adjoint à la Transition écologique Dan Lert (EELV). Selon lui, il est « essentiel de maintenir le calendrier pour atteindre les objectifs du plan Climat de Paris et lutter contre la précarité énergétique« .
« Plus de 10.000 personnes meurent chaque année en France de la mauvaise isolation de leur logement« , souligne l’élu, également défavorable à un changement des règles de calcul.
L’initiative gouvernementale ravit en revanche les professionnels de la construction et de l’immobilier.
« Il s’agit d’ajustements qui ne vont pas profondément modifier l’impact du DPE sur le marché immobilier« , assure Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier, pour qui la date du 1er janvier 2025 constitue en revanche « une insécurité juridique totale« .
« Tout logement G qui va passer cette échéance sera frappé d’indécence« , assure-t-il.
Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment, estime lui que la loi Climat a été votée « sans concertation » et qu’elle oblige désormais à « desserrer la corde en créant un DPE +light+ ».
Parmi les diagnostiqueurs, les avis divergent.
Si la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier estime qu’il y a besoin d’un « correctif pour les petites surfaces« , ce n’est pas l’avis de Jean-Christophe Protais, président de Sidiane, le Syndicat interprofessionnel du diagnostic immobilier.
« Le DPE ne pénalise pas les petites surfaces. Il montre qu’intrinsèquement, une petite surface consomme plus d’énergie et émet plus de gaz à effet de serre proportionnellement à sa surface. C’est scientifique« , observe-t-il.
« Trafiquer le DPE signifie que par un coup de baguette magique, des logements G passeront en D, ce qui fait que les propriétaires qui auront lancé leur rénovation se sentiront floués et que ceux qui ne l’ont pas fait vont temporiser« , ajoute-t-il, préconisant également de « donner plus de souplesse sur les échéances« .
Dans une tribune publiée mercredi dans les Échos, deux chercheurs admettent que les instruments de mesure « ne sont jamais parfaits« .
« Attendre du DPE une prédiction exacte de la consommation réelle » est selon eux « illusoire » mais l’abandonner reviendrait à « rendre +invisible+ la précarité énergétique ».